Le DJ est aujourd'hui une figure centrale de la vie nocturne et des festivals, un artiste qui façonne les ambiances et fait vibrer les foules au rythme de ses sélections et de ses mix. Mais d'où vient ce terme mystérieux, et comment ce métier, qui semble indissociable des nuits électroniques, a-t-il vu le jour ? Remontons le temps pour explorer l'histoire riche et surprenante du métier de Disc Jockey.
Aussi étrange que cela puisse paraître pour les plus jeunes, l'histoire du DJ ne commence pas dans les clubs enfumés, mais... à la radio ! Dans les années 1930, aux États-Unis, les stations de radio commencent à diffuser de la musique enregistrée plutôt que de faire appel uniquement à des orchestres live. C'est dans ce contexte qu'émerge le besoin d'avoir une personne pour sélectionner et présenter ces disques.
Le terme "Disc Jockey" (littéralement "cavalier de disques") est attribué à un commentateur radio américain du nom de Walter Winchell. En 1935, il aurait utilisé cette expression pour décrire le travail de Martin Block, un animateur de la station WNEW à New York. Block était devenu extrêmement populaire en diffusant des disques tout en y ajoutant ses commentaires, créant ainsi l'illusion d'une émission en direct avec les artistes de l'époque. L'image du "jockey" aux commandes des "disques" (les vinyles qui passaient sur les platines) a rapidement pris, et le terme est resté. Martin Block est ainsi souvent considéré comme le tout premier "Disc Jockey" de l'histoire.
Pendant longtemps, le DJ est resté principalement une voix et un sélecteur musical à la radio. Cependant, avec l'essor des discothèques et des soirées dansantes, particulièrement après la Seconde Guerre Mondiale, le rôle du DJ a commencé à évoluer. Les gérants de clubs ont réalisé qu'engager un DJ pour passer des disques coûtait moins cher que d'avoir un orchestre live, tout en permettant une plus grande variété musicale.
Les premiers DJs de club étaient avant tout des sélectionneurs de morceaux, leur talent résidant dans leur capacité à choisir les bons disques pour maintenir l'énergie sur la piste de danse. L'un des pionniers majeurs de cette transition vers le clubbing fut Francis Grasso à la fin des années 1960 à New York. Il est crédité d'avoir popularisé la technique du "beat-matching", c'est-à-dire l'art de synchroniser les rythmes de deux disques pour permettre des transitions fluides entre les morceaux. Une petite révolution qui a posé les bases du mix tel que nous le connaissons !
Les années 70 et 80 marquent un tournant décisif avec l'émergence de genres comme le disco, le hip-hop, la house et la techno. Le DJing devient un art à part entière, bien au-delà de la simple sélection.
Dans le Bronx, DJ Kool Herc, considéré comme l'un des pères fondateurs du hip-hop, développe la technique du "breakbeat" en isolant les passages rythmiques des disques pour les faire boucler, créant ainsi la base du sampling et du rap. Au même moment, des DJs comme Larry Levan au Paradise Garage à New York et Frankie Knuckles au Warehouse à Chicago (qui a donné son nom à la musique "house") expérimentent avec les platines, les tables de mixage et les effets pour créer des expériences sonores immersives et uniques.
C'est aussi l'époque où la platine Technics SL-1200, sortie en 1978, devient l'outil de prédilection des DJs grâce à sa robustesse et son moteur puissant, permettant le scratch et des manipulations précises du vinyle. Le "scratching", rendu célèbre par des artistes comme Grandmaster Flash, ajoute une dimension percussive et créative à la performance DJ.
Avec l'avènement du numérique dans les années 90 et 2000, le métier de DJ a connu une nouvelle mutation. L'arrivée des lecteurs CD, puis des contrôleurs numériques et des logiciels spécialisés, a rendu le DJing plus accessible et a ouvert un champ infini de possibilités créatives. Le DJ n'est plus seulement un passeur de disques, il peut être aussi un producteur, un remixeur, un performeur visuel, créant des sets hybrides qui mélangent musique enregistrée, live et éléments visuels.
Des superstars mondiales émergent, capables de remplir des stades et de peser dans l'industrie musicale. Le "DJ set" devient une forme de spectacle à part entière, avec des productions scéniques impressionnantes.
Au-delà des grandes étapes, l'histoire du DJing est aussi parsemée d'anecdotes amusantes et d'histoires fascinantes. Saviez-vous par exemple que les premiers "sound systems" jamaïcains, qui ont eu une influence majeure sur le développement du hip-hop, étaient souvent basés sur des générateurs électriques installés à l'arrière de camions pour organiser des fêtes en plein air ? Ou que certains des premiers DJs de radio devaient faire preuve d'une grande agilité pour passer d'un disque à l'autre sans interruption, jonglant parfois entre plusieurs platines en même temps ?
Une autre anecdote intéressante concerne l'évolution des cabines de DJ (le "DJ booth"). Au début, le DJ était souvent relégué dans un coin sombre du club. Progressivement, avec l'importance croissante de sa performance, la cabine est devenue un élément central de la scénographie, un véritable poste de commande d'où l'artiste interagit avec son public.
Aujourd'hui, le métier de DJ continue d'évoluer, repoussant sans cesse les limites de la créativité et de la technologie. Des pionniers de la radio aux superstars des festivals électroniques, chaque génération de DJs a apporté sa pierre à l'édifice, façonnant un art qui continue de faire danser et vibrer des millions de personnes à travers le monde.
Que vous soyez un DJ en herbe, un passionné de musique électronique ou simplement curieux de connaître les origines de ce phénomène culturel, plonger dans l'histoire du DJing, c'est découvrir une aventure humaine et technologique fascinante qui a révolutionné la manière dont nous écoutons et vivons la musique. Alors, la prochaine fois que vous entendrez un DJ aux platines, ayez une pensée pour Walter Winchell et tous les pionniers qui ont, à leur manière, mis le disque sur la bonne voie !